Autoportrait de la bloggeuse, baskets aux pieds*

Publié le par Pô

* Paraphrase avouée et assumée du titre du livre de l’écrivain japonais Haruki Murakami « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond ».

Ou l'histoire à tiroirs d'un P'tit Tour des Fiz 2011 magnifique.

Je déteste courir

L'idée même de devoir mettre un pied devant l’autre à un rythme cadencé m’exaspère. Où est l’intérêt ? On ne peut pas admirer le paysage, trop absorber à regarder où poser ses pieds. Racines, trottoirs, déjections canines, les pièges sont nombreux, et, l’équilibre ligamentaire d’une cheville complexe et fragile. On respire avec cette sensation désagréable d’avoir la capacité pulmonaire d’une mouette asthmatique. On souffre : 6m d’intestin qui ballote à droite, à gauche, en avant, en arrière, le dos qui se demande bien comment on a pu avoir l’idée crétine de courir sur un sol aussi dur [la natation…voilà ce que le dos réclame !], les sinus que la bise glaciale pénètre insidieusement vous donnant l’impression d’avoir la tête dans le freezer… Le supplice suprême étant de courir dans un stade et d'ainsi admirer 14 fois de suite le même panneau publicitaire hideux de l’entreprise régionale de B.T.P. [dédicace aux heures passées à tourner en rond au stade pour préparer l’épreuve d’endurance du bac].

Je déteste courir

Du moins c’est ce que je croyais…. Et puis un jour -manquant cruellement d’originalité, je le confesse- j’ai voulu courir pour garder le "foncier", durement acquis durant l'été 2009, été passé à crapahuter les belles montagnes. Pas spécialement enthousiaste à l’idée de courir le soir en sortant du boulot sur le macadam lausannois, mais il fallait tout de même essayer cette option. Courir sans contraintes de temps, de kilomètres…juste pour le plaisir de courir… et le mot-clé se trouve bien là: le plaisir ! Certes cela ne s’est pas fait du jour au lendemain ! 1er obstacle : comprendre que les 20 premières minutes sont désagréables… C'est comme ça ! Il faut chauffer la machine... Et 20minutes sur 1h de footing, ce n'est pas grand chose ! 2ème obstacle : courir régulièrement, pour ne pas avoir l'impression de recommencer de 0. 3ème obstacle : courir l'hiver la nuit... Etc, etc… 

J’aime courir

Tout arrive ! En revanche, la suite relève d’une expérience aux limites du paranormal, d'une rencontre du 3ème type: celle de mes pieds confortablement installés dans des baskets et des sentiers de randonnée. J’adore la montagne. Je la parcours de toutes les manières possibles. Donc pourquoi ne pas courir en montagne ? Le fameux trail-running... Oui…alors j’avoue avoir été moqueuse, sur le concept au départ. Il faut être un peu dingue pour courir sur un chemin de rando, comme si on avait loupé le dernier métro ! Et j'ai eu l'opportunité de vivre plusieurs épreuves du genre "ultra" en tant que bénévole, et ainsi d'observer ces "fous"... J'ai pu observé : les visages parfois perdus, parfois heureux... La souffrance, la fatigue... Mais surtout cette lueur dans le regard qui en dit long sur la volonté de se dépasser... J'ai écouté aussi...écouté un superbe ami de montagne me parler de cette discipline: "Non, on n'est pas obligé de courir tout le temps", "oui, on admire tout autant le paysage". 1er essai en Juin 2011 sur le trail d'initiation de la Vallée de Joux. Une très belle découverte ! Une sensation nouvelle et agréable : celle de se sentir bien alors que l'on est au beau milieu d'un effort ! Et c'est vrai, même en courant, on peut admirer l'environnement sublime dans lequel on évolue !

J'aime courir en montagne

2ème essai: le 31 Juillet dernier pour le Trail du Tour des Fiz, en Haute-Savoie. Les Fiz sont un massif que j'adore ! [rando Follow the red dots de Sept.2010] L'occasion est trop belle ! Les parcours ne sont pas donnés, tracés par Sébastien Talotti du team Quechua (sponsor principal de l'évènement). Le premier fait 63kms pour 5300m de D+ (et tout autant de D-).... Ouh la ! On en parle dans quelques années ! Le second, bien que plus abordable, 30kms, 2400m de D+ et D-, reste tout de même une sacrée boucle. Un beau challenge pour moi ! Inscrite peu avant mon départ pour la Corse, je ne me pose pas plus de questions...et, paradoxalement, je ne m'entraîne pas plus que ça ! Quelques footings en Corse...beaucoup de randos. Pas un kilomètre courru depuis mon retour en terres lémaniques. Finalement je chausserais les baskets seulement 3 jours avant le trail, pour tester un nouvel accessoire : un magnifique chevillère ! Donc c'est plutôt avec une entraînement running frisant le néant, une cheville diagnostiquée branlante, que je me pointe le Samedi 30 Juillet à Plaine-Joux pour récupérer mon dossard.

N°426, P'tit Tour des Fiz, Dimanche 31 Juillet 2011

Nous serons au total 500 coureurs à nous élancer le lendemain matin, un peu plus d'une centaine sur le 60kms, le reste sur le P'tit Tour des Fiz. J'en profite pour faire vérifier mon sac et récupérer le traditionnel lot "coureur". Généreux sponsor : demain tout de Quechua je serais vétue ! Je regagne alors mon hébergement 4* au Plateau d'Assy. Un ami extra et généreux m'héberge. En fait, je ne suis pas super sereine. J'ai l'impression d'avoir vu trop gros avec cette course. Les Fiz sont toutes enveloppés de brouillard. Atmosphère humide... La météo annonce un mieux pour le lendemain. Il faut y croire ! De retour à la maison, j'essaie de me calmer. Préparation minitieuse du sac, pasta-ratatouille maison... Et lecture ! Histoire de focaliser l'esprit sur autre chose que cette "trouille" qui me tient un peu au bide. C'est idiot ! Je fais le point: mon but est de terminer ce tour en prenant beaucoup de plaisir, pas de faire un temps. Donc aucune pression, juste du bonheur ! J'arrive à m'endormir tranquillement. Dimanche 31 Juillet, il est 5h... Petit déjeuner, le départ est à 8h. Je pense aux coureurs de la Grande Boucle qui viennent de s'élancer alors que je machonne difficilement mon pain d'épice. Je jette un coup d'oeil dehors dans l'espoir d'apercevoir le ballet des frontales, plus haut, dans la forêt. Rien, si ce n'est le Mont Blanc qui émerge des nuages dans la lumière du matin. P1040069-1M A G N I F I Q U E ! Je souris.

Quoiqu'il arrive aujourd'hui, je vais passer une journée EXTRAORDINAIRE en montagne.

P1040072-17h30 Plaine Joux. Organisation au top: thé, café, fruits, barres de céréales avant le départ. Je discute avec deux, trois trailers.. Tout le monde a le sourire aux lèvres... Quelques nappes de brouillard accrochent encore les sommets, mais rien de comparable avec la veille. 7h45: puce électronique scannée, tout le monde dans l'arche du départ... Le speaker annonce la couleur et invite toutes les femmes à venir prendre place en 1ère ligne au départ. Environ 80 jupettes, nous sommes minoritaires certes mais tout de même bien présentes. Compte à rebours et 8h sonne ! Départ en mode "le 1er qui me double en me faisant tomber, je lui plante un bâton entre les omoplates !". On dirait que certains ont oublié du lait sur le feu tellement ça démarre fort. Courte descente sur Guébriant avant d'entamer la course pour de bon, par le sentier de ronde permettant de rejoindre Charbonnière. Juste le temps pour moi de me familiariser avec mes supers nouveaux bâtons qui vont bien avec les dragonnes magiques ! (un cadeau d'un ami ! Merci encore !!!). Début des festivités ! A partir de ce point il y a environ 1000m de montée sur un peu moins de 6kms, afin d'atteindre le point culminant du trail, le col de Portette. Ca va dépoter ! La montée sur Platé par le chemin en laçets est magnifique ! Nous sommes tous en file indienne, calés sur un bon rythme, avec les nuages qui tournent autour de nous. 1er ravitaillement à Platé avec des bénévoles topissimes (comme sur tous les points du parcours) et il faut enchaîner avec la dernière montée jusqu'au col, encouragé par les clarines du team Quechua itself !

Montée géniale ! J'étais presque déçue que cela se termine !

Un petit bémol pourtant...cette chevillère qui me crée une tension au niveau du talon. Encore rien d'insurmontable mais c'est désagréable. Descente du col de Portette sur le beau vallon de Sales ! Je regrette de ne pas avoir un smartphone pour pouvoir prendre des photos rapidement. La lumière est exceptionnelle... Descente rapide dans le raidillon du col pour atteindre une des 1ères portions roulantes du traçé, rare ! 1ère alerte: mon talon me fait mal et je cherche une position de course agréable... Bof, sans trop de succès. Traversée de lapiaz, j'arrête complètement de courir après 2, 3 zipettes sur rocher boueux. Les chalets de Sales sont en vue et une belle portion de plat se profile, en plein milieu d'un troupeau de vaches dubitatives... Mais là, c'est la sanction ! Impossible de courir ! Le mode "marche rapide" sur du plat, c'est très frustrant ! Surtout que je ne me sens pas fatiguée ! Arrêt au ravito des Chalets de Sales. J'enlève et remets la chevillère... Je bois un coup et repars en direction du fond de vallée... Je ne connais ce sentier agrémentée de belles cascades que de réputation. Il est vrai qu'il est beau ! Mais il descend non-stop sur une large sentier bien caillouteux... Et là je vais souffrir avec mon talon. Impossible de charger le pied droit ! Merci les bâtons ! Et surtout Merci aux nombreux randonneurs croisés pour leurs encouragements chaleureux !

11h, Croisement de Salvagny. 1h avant la barrière horaire

Donc je dépasse le PC Abandon avec la forme (quand on courre pas, c'est tout de suite moins fatiguant !) mais le moral bien entamé... En plus, je n'avais pas trop regarder attentivement la topographie du tracé à cet endroit et je me fais un peu avoir par une montée qui me semble abrupte, longue et soudaine..... Gros moment de doute ! Mon mantra "Profites de l'environnement superbe autour de toi, prends du plaisir" tourne en boucle dans mon cortex... Mais cela reste dur... Et, ô miracle !, je reçois alors quelques sms d'encouragements de ma maman et de mon ami James (coach à ses heures perdues)..qui me donneront juste la motivation nécessaire pour passer ce mauvais pas. J'ai pris une décision, j'irais au bout, je ne m'arrêterais que si l'organisation m'y oblige. Pas d'abandon envisageable... Et il fallait bien ça pour passer cette section boueuse à souhait, juste avant le collet d'Anterne... J'ai rejoins d'autres trailers : Régis puis Mélanie et Sébastien...un peu entamés eux-aussi... On décide de faire chemin commun jusqu'au prochain ravito du refuge d'Alfred Wills. Ca fait plaisir de papoter ensemble...et puis on se rend compte que finalement, il nous reste 4 bonnes heures pour terminer le tiers du parcours...ce qui sauf blessure grave peut se faire même en marchant... Donc on prend notre temps au ravito. J'en profite pour faire examiner le talon. Pas d'hématome ! C'est déjà ça... Et après discussions, je décide de virer cette -biiiip- de chevillère pour la dernière portion... Je ferais attention mais je ne veux plus avoir mal à chaque pas.... On repart tous les 4, dans la montée un peu raide au-dessus du refuge qui permet d'atteindre le lac d'Anterne. J'adore cet endroit ! On monte tranquillement mais sûrement. et, ô miracle-bis !, je n'ai plus mal !

LIBERATION !!!

Quel plaisir de marcher sans être crispée ! Du coup, j'allonge un peu le pas et rejoins un couple devant nous dont la femme semble ne pas être au mieux de sa forme. Arrivée à sa hauteur, je lui demande si ça va ? Albane ne va pas super fort, elle vomit depuis les chalets de Sales. C'est vraiment dur pour elle. Du coup, je reste un petit moment à papoter avec elle...et petit à petit on emboîte le pas jusqu'à courir le long du lac. Je n'ai plus mal au pied, elle ne sent plus vaseuse. Petit moment de bonheur ! Et puis la dernière montée jusqu'au col d'Anterne se profile devant nous. Je me sens bien. Albane fera une pause pour s'alimenter  avant la montée, son mari la rejoint alors. Je la laisse souriante et un peu plus détendue. Et je file vers le col. Je suis tellement frustrée de la précédente montée que je monte rapidement, doublant même des gens ! Incroyable mais vrai !  

Col d'Anterne

Et c'est ici que commence la looooonge descente vers Plaine-Joux... Descente du col assez pourri, ça glissait de partout... Et le dernier ravito au refuge d'Anterne est vite atteint... comme tout au lond du parcours, des bénévoles extra et souriants ! Régis me rejoint. On repart ensemble pour aborder le dernier passage technique: le Souay...heureusement c'est bref...Et il ne faut pas trop réflêchir... Et j'ai la joie de voir Albane et son mari arrivés tout près de nous... Elle a la pêche ! ça fait plaisir à voir ! On continue la descente ensemble, qui alterne entre la piste 4x4 et les sentiers. Régis est pris de crampes et s'arrête... Ca devient dur pour moi... La descente n'est pas mon fort. Albane me laissera peu avant les Ayères. Rdv est pris à l'arrivée pour fêter la course !!! Et je continue mon bonhomme de chemin... Je croise de plus en plus souvent des coureurs de la Grande Boucle...plutôt frais ! Je suis admirative. Le Châtelet, ô surpise !, le tracé file vers le Lac Vert !!! L'arrivée se fera donc en montée !!! Pervers de traçeurs !!!! Petit détour par le bucolique lac Vert. Je commence à avoir mal aux cuisses...

C'est pas bientôt fini ces bétises ?

Les promeneurs en sandalettes se font plus nombreux, les parapentes aussi... Plaine-Joux se rapproche. Dernier virage : un visage connu derrière un objectif, ma maman ! Ca fait plaisir !P7310039-1

Caméra embarquée...

7h53min57s, je passe enfin l'arche d'arrivée en compagnie d'un coureur de la Grande Boucle. C'est fait ! Et avec le sourire SVP !

P7310040-1Merci à l'organisation, aux bénévoles, aux coureurs, aux randonneurs-spectateurs ! Grâce à vous tous, j'ai passé un moment unique ! Et je me suis bien dépassée...boucler 30 kms et 2400m de D+ (et autant de D-) en moins de 8 heures, j'aurais traité de "fou furieux" celui qui aurait prédit ça il y a moins d'un an !

Merci à mes parents de vous être déplacer pour m'acceuillir à l'arrivée !

Merci à James pour son soutien, l'hébergement, le prêt de matériel....oh et puis la liste est trop longue ! Merci d'être là à mes côtés ! ;)

P7310044-1Feed-back de la course avec le Tonio...qui lui courrait un 40kms en Corse...

Merci à Tonio, Flo et Jean-Chri, mes collocs "la Double J Team", la frangine pour toutes les bonnes ondes envoyées...

NB: Merci à Albane que j'ai été voir le lendemain sur son lieu de travail. le parcours Mont-Blanc Santé aux Thermes de St Gervais, c'est TOPISSIME pour la récup' !

 

A L'ANNEE PROCHAINE !!!

LES FIZ, C'EST JUSTE SUBLIME COMME CADRE DE COURSE !!!

Publié dans 2011

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
<br /> <br /> Magnifique récit...mais fait attention, tu y prends vraiment gout ! C'est quand le prochain ? <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
P
<br /> <br /> Merci du compliment. ça me touche ! Effectivement j'y prends goût...à ma manière ! J'en cherche un pour cet Automne... peut être celui de la source du Lioson dans le Doubs en Octobre. A plus !<br /> <br /> <br /> <br />